Interview extraite de Rock Sound Hors-Série Punk-Rock numéro 1 parue en novembre 1998 :


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Interview par Patrick Tad Foulhoux.


Les Dalton Orléanais, tout auréolés de leur préstigieuse signature chez Epitaph, ont gardé les pieds sur terre. Les quatre garçons sont en train de préparer les valises pour une tournée européenne de deux mois. Philippe, le guitariste fait un peu le point et nous assure que le support Epitaph offre un certain confort plus que la gloire.


As-tu des nouvelles de l'album à nous donner ?

P. : On a vendu dix milles disques sur l'Europe et cela au bout de quatre mois. Pour l'instant, il n'y a eu que les concerts en France. Nous entamons la tournée européenne bientôt, ce qui nous donne le moral. Nous n'avons jamais eu les yeux rivés sur cet aspect des choses, ce n'est pas notre souci premier de toue façon.

Ressentez-vous directement un effet Epitaph ?

P. : Nous recevons un peu plus de courrier de l'étranger, un peu plus de contacts avec des gens d'autres pays désireux de nous faire tourner ou simplement curieux d'en savoir un peu plus sur nous, voire même pour nous demander ce qui se passe en France. Il y a aussi des groupes qui veulent tourner en France et qui, d'un seul coup, s'aperçoivent qu'il y a une scène ici. On sait qu'Epitaph fait de la promo ciblée, nous allons le vérifier bientôt sur cette tournée européenne.

Que vous a apporté le titre sur la compile "Punk-O-Rama" ?

P. : On ne sait pas vraiment, ce dont on peut être sûr, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui sont au courant de notre existence grâce à ça, c'est déjà bien. Le signe le plus positif, c'est que ça a bien aidé à monter la tournée qui arrive. Au niveau des contrats, ça ne change pas grand-chose. C'est juste que cette tournée durera deux mois au lieu d'un seul, on jouera dans de meilleures conditions, c'est-à-dire dans des clubs un peu mieux qu'avant. La dernière fois que nous sommes allés en Angleterre, c'était difficile. Cette fois-ci, on dormira quelque part. C'est un grand progrès. Grâce à Epitaph, on aura d'autres facilités, moins de difficultés à enchaîner les dates et jouer dans certains pays.

Les Américains se décident-ils à sortir votre disque ?

P. : Pour l'instant, il n'y a pas trop de nouvelles. Ils se donnaient trois mois après la sortie de l'album pour prendre une décision. La négociation entre Epitaph Europe et Epitaph US est en cours. Ca prend toujours du temps. Pour l'instant, nous attendons. Si aux Etats-Unis, ils ne sont pas intéressés, ce sera à Epitaph Europe de nous trouver un autre distributeur. De notre côté, nous avons prospecté et on a trouvé plusieurs labels au Québec intéressés pour nous distribuer. Au Canada aussi. Distribuer notre disque partout en Europe, c'est déjà beaucoup pour nous, c'est ce que nous voulions depuis longtemps.

Avez-vous senti que les Suèdois étaient rompus à votre style de musique, grâce à Burning Heart ?

P. : Nous y sommes allés il y a un peu plus d'un an la dernière fois et nous y avons fait peu de dates. On ressentaient plutôt que les choses retombaient. Peut-être n'avons-nous pas joué dans les bons endroits ! La Suède est un pays difficile à appréhender pour ce qui est des concerts. La fois précédente, nous y étions avec Down By Law. Et, forcément, ça a un peu faussé notre jugement. Les Suèdois sont des gens réservés et impassibles. Là-bas, on regarde, on écoute et on applaudit poliment à la fin du morceau. J'aimerais jouer un jour en Suède avec un groupe suèdois efficace de Burning Heart par exemple.

Comment analyses-tu la vague des groupes punk-rock suèdois ?

P. : Dans la moindre ville en Suède, il y a un club avec un équipement royal. Il y a du matériel à disposition, à la limite, un groupe qui veut jouer, peut venir les mains dans les poches. De l'extérieur, ça ressemble à de l'assistanat, tu as l'impression que les gens ne sont pas concernés. C'est à l'inverse de ce qui se passe en France entre autres. Cela n'enlève pas le fait qu'il y a des gens qui jouent bien de la musique. Ils ont énormément de facilités et une oreille tournée vers les Etats-Unis. En Suède, il y a des écoles de rock, ça marche pas mal comme ça.

Ca n'explique pas pourquoi ces groupes reçoivent un franc succès et notamment en France !

P. : Je n'ai aucune explication là-dessus. Burning Heart a foncièrement bien travaillé et ça paye forcément. Si le dernier disque de Samiam est sorti chez Burning Heart, ce n'est pas un hasard. Ca fait longtemps que Samiam tourne avec difficultés avec des labels qui se foutent de sa gueule. Si eux sont sur le label, c'est qu'il y a une raison.

Beaucoup de monde pense que la relève du style viendra de Suède.

P. : De ce que j'en ai vu, j'ai eu l'impression que le public avait collé à l'effet Green Day / Offspring et, d'un seul coup, tout est retombé. Maintenant, ces groupes existent toujours et sortent toujours des disques et tournent. Savoir si c'est de là que viendra la relève, c'est trop difficile de se prononcer.

Est-ce que Burning Heads peut tourner seul à étranger ?

P. : Il va tourner tout seul. Je te dirais en revenant si c'était une bonne idée. Sur la dernière tournée, nous étions déjà seuls. On a fait six semaines de tournée avec tout ce que cela comporte, des bons concerts avec beaucoup de public, d'autres devant moins de monde, des mauvais concerts devant du monde, des mauvais devant personne, des concerts annulés, des qui se rajoutent etc. Cela dit, nous avons été juqu'au bout, c'est déjà bien. Etre allé dans des pays où nous pensions ne jamais mettre les pieds, d'autant plus que nous n'avions pas l'appui d'une distribution de disques. C'était un peu risqué quand même. Ce coup-ci, ça entre plus dans la logique des choses.

Aurez-vous un groupe français avec vous en support band ?

P. : Non, pas du tout. Les Américains le font souvent à des fins promotionnelles. En Hollande, nous allons jouer avec Undeclinable Ambuscade, en groupe hollandais de chez Epitaph. En revanche, si les Burning arrivent à représenter quelque chose à l'étranger dans l'avenir, si nous sommes sûrs de faire du monde aux concerts, là, nous en profiterons pour partir avec un groupe français. Je sais qu'il y a une date en Allemagne avec les Bushmen, mais c'est un hasard. On se croisera juste sur nos tournées communes.

Vous évoluez depuis une dizaine d'années. Qu'as-tu retenu de la scène punk-rock française ?

P. : Il y a une prise de conscience du public, les gens savent qu'il existe une scène maintenant. C'est acquis dans les esprits. Il y a moins de groupes qui sonnent "français". Il y a une nouvelle approche de la musique. J'ai l'impression de voir des groupes qui jouent plus. Il y a plus de lieux avec une âme. Malheureusement, c'est toujours aussi difficile pour trouver des endroits. Il y a encore plein de villes où il faut faire avec rien ou pas grand-chose. Il y a quand même des endroits comme le Pez-Ner à Lyon, Balthazar à Thiers, le Jimmy à Bordeaux. Il y a un bon nombre de salle comme ça avec une âme. il y a des organisateurs qui se sont familiarisés avec tout ça et un public fidèle qui suit ce qui se passe de près. Je pense qu'il y a plus ça maintenant qu'auparavant.

Avec le phénomène Green Day / Offspring, on a vu apparaître plein de nouvelles têtes qui ont bien vite disparu...

P. : C'est une question de volonté. Si les inconvénients te paraissent plus gros que le plaisir que tu peux en tirer, effectivement, ça te coupe dans ton élan. Si tu veux faire quelque chose de facile, tu ne vas pas suivre la filière rock. Sachant ça, tu sais que tu dois investir de ton temps, de ton énergie, de ton argent éventuellement. Il y a peut-être encore trop de gens qui délirent, qui croient aux contes de fées. L'exemple des groupes américains, surgis de nulle part, qui se retrouvent à tourner en Europe et à exploser, ça peut faire rêver certains. Autrement, il y a moyen de faire des choses pour le plaisir plus que pour le résultat sur la durée. Si au bout de trois ans, tu en es à faire deux concerts par mois, tu peux te dire : " Ok, ça suffit ". Ou alors, tu vas te dire : "Il y a deux ans, on ne faisait aucun concert et maintenant, on en est à deux par mois".

Penses-tu qu'un groupe débutant aujourd'hui doit employer les mêmes méthodes que vous avez utilisées à vos débuts ?

P. : J'ai toujours foi au réseau des fanzines qui est très fort en France. NRA, aux Pays-Bas, sont surpris de voir le nombre de fanzines, de petits labels, d'initiatives en tout genre qui gardent ce côté humain et amical. C'est quelque chose d fort que nous possèdons bien en France, pourtant pas vraiment le terre du rock. Faire un groupe, c'est l'envie de partager des choses, cette démarche reste toujours valable.

Tu penses que c'est plus simple aujourd'hui pour un groupe de débuter qu'il y a dix ans ?

P. : Non, je ne pense pas. Mais ce n'est pas spécifique à notre pays, c'est général. Même s'il y a plus d'endroits qu'avant, et plus de groupes aussi. Tu sais, tous les organisateurs croulent sous les cassettes. Alors, c'est sûr que l'amitié ne suffit plus. Tu peux être copain, faire partie de cette "famille", il faut que ton groupe soit quand même de qualité pour être programmé.

Il y a plein de gens qui montent un groupe sans réfléchir un instant que, pour sortir un gros concert, il y a à travailler dur au local de répétition.

P. : Ce n'est jamais un travail non plus. C'est sûr que tous les jours on répète, on s'acharne. Quand on commence un morceau, on a envie de le mener à terme, de l'améliorer. C'est aussi une méthode de travail, on peaufine, nous sommes à quatre pour travailler. Quand quelqu'un amène une idée, on discute. Pour les textes, on s'attache à savoir ce qu'ils veulent dire, etc...

Comment vois-tu les Burning dans dix ans... Et le punk en général ?

P. : Mal ! En fait, je n'en sais strictement rien. On sera peut-être encore là à vouloir s'améliorer. On ne fera peut-être que du reggae parce qu'on sera trop vieux, trop fatigué et trop bedonnant pour faire du punk-rock. On sera peut-être dans d'autres groupes. Tout est envisageable. Pour l'heure, notre avenir se limite aux trois prochains mois.


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