Interview extraite du numéro 57 du magazine Rock Sound parue en avril 1998 :


Rock Sound




Interview par Patrick Tad Foulhoux et photos de Jade Petit.


C'est avec un "Be one with the flames" que le quator honore son arrivée au sein du label emblématique du punk mélodique. "Be one with the flames" repositionne les Orléanais sur l'échiquier; quel disque autre que celui-ci pourait être indirectement le plus bel hommage aux mythiques Dag Nasty ? Ce n'est sûrement pas dans cette optique que les Burning l'ont abordé, mais chez eux, c'est génétique et ils ne s'en sont jamais cachés.


Ces derniers temps, des rumeurs de split vous concernaient. Qu'en est-il réellement ?

Pierre (chanteur/guitariste):Pour nous, ça n'a jamais été une période creuse. Nous voulions préparer la suite, pour cela, il fallait se faire quelque peu oublier. Après le dernier album, il y eut une grosse tournée à l'étranger où nous avons d'ailleurs passé les six premiers mois l'an dernier. Après cela, effectivement, nous nous sommes enfermés pour composer. Ce n'aurait pas été très convenant de faire parler de soi en période de composition. Pour résumer, cette période perçue comme sabbatique pour certains, fut pour nous une période de travail tout simplement.

Le changement de label n'a-t-il pas retardé les choses ?

P: Absolument pas. Si nous étions restés chez PIAS et avions respecté notre contrat, le disque sortirait à cette période aussi. Nous avions d'ailleurs entamé avec eux la préparation de cet album. Il se trouve qu'entre temps, nous avons eu une proposition par Epitaph qui s'est révélée efficace, rapide, simple et précise. Du coup, cela n'a en rien modifié le calendrier du disque.

Le travail studio est assez impressionnant ici, avez-vous eu plus de moyen, de temps ?

P: Non, nous nous sommes arrangés pour ne pas renouveler les erreurs des précédents enregistrements. Nous avons opté pour retravailler avec nos potes, Fred Norguet et Jacques (Ndr: qui pourrait être considéré comme le sixième Burning Heads, après l'innénarrable Didier - NdDumb: Didier Filloux, le manager des Burning) qui depuis le précédent album avaient engrangé et s'étaient enrichis d'autres expériences. Nous sommes partis plus confiants que jamais avec eux. Nous sommes arrivés avec des morceaux un peu plus au point, donc moins de prises de tête, moins de préparatifs, moins de pertes de temps.

Au final, cela sonne plus charnu.

P: Nous avons travaillé avec les mêmes moyens techniques qu'auparavant. Cette impression de spectre plus large vient assurémment de la maîtrise de Fred et Jacques qui, même s'ils n'ont pas le statut d'ingénieurs du son, en ont largement le niveau maintenant.

Avec ce nouvel album, on pouvait s'attendre à une grosse évolution ...

P: Vous êtes déçus ?

Non. Mais on sait que vous êtes capables d'aller vers autre chose. Peut-être cela ne fait pas l'unanimité au sein du groupe ?

P: La question ne s'est même pas posée pour ce disque là. C'est un lieu commun de dire qu'il fallait que l'on soit satisfaits des chansons. En même temps, il ne fallait pas que les versions soient des copies de ce que nous avions déjà fait, sans s'en éloigner pour autant. Il fallait que ce soit mieux et plsu facile à jouer. Nous avons quand même mis deux ans pour pondre ces morceaux, c'est long: on est un peu fainéants. Au départ, nous avions trente titres, nous en avons donc jeté quinze à la poubelle.



Est-ce cette épuration qui fait que cet album sonne moins clash que le précédent ?

Philippe (guitariste): Sur l'album précédent, il y avait seize morceaux plus des titres fantômes qui trainaient deci delà. Nous avions mis tout ce que nous avions. Là nous avons fait le contraire. Comme te disait Pierre, nous avions plus de matériel et on a taillé grave. Il y a quand même deux morceaux reggae plus roots que ce que nous avions fait précédemment. Peut-être aussi parce qu'avant nous n'arrivions pas à faire aussi roots. C'est la première fois que nous sommes aussi roots (rires).

Pourquoi avoir choisi ce titre pour l'album ?

Ph: Tu sais que Thomas aime détourner les logos. C'est un logo de lotion capillaire qui, ici, est passé entre ses mains. C'est un chauve à qui il pousse des cheveux en forme de flammes. Nous avons réintitulé le sticker "Be one with the flames". Ce n'est pas trop scabreux ?

Non, de toute façon en s'en fout. Tout le monde se fait une montagne d'Epitaph. Pierre me disait qu'en fait, il vous laissait une entière liberté.

Ph: On attend de voir ce qu'il feront à la sortie du disque par rapport à ce qu'ils nous ont promis. Ca se présente plutôt bien. A aucun moment, ils ne se sont immiscés dans notre travail studio. Etant donné que nous avions déjà sorti nos disques, ils nous ont peut-être relativement fait confiance.



SI ON NE CHANTE PAS
EN FRANCAIS,
C'EST QUE L'ON NE SE SENT PAS
QUE FRANCAIS.


Le gros avantage de cette signature concerne la distribution ?

Ph: Nous avons essayé d'aller un peu partout par nous-mêmes en étant sur PIAS. Nous n'étions en fait que chez PIAS France. Alors quand nous allons à l'étranger, nos disques étaient indisponibles hormis en Allemagne et en Suisse. On trouvait ça frustrant. Nous les premiers, quand on voit un groupe qui nous branche, ça nous embête de ne pas pouvoir mettre la main sur le disque si on ne l'achète pas le soir du concert. En tant que groupe, c'est encore plus frustrant.

P: Si on va chez Epitaph, c'est tout bonnement parce qu'ils nous proposent une bonne distribution à l'étranger dans vingt-cinq pays. Le but n'est pas de vendre cent mille albums, c'est juste d'offrir l'assurance à un organisateur de concerts à l'étranger qu'il y aura un minimum de promo sur le groupe. La possibilité donnée au disquaire local d'avoir le disque du groupe avant qu'il ne se produise dans la ville. Pour nous, c'est l'assurance de trouver des dates à l'étranger, d'aller plus loin, de jouer plus longtemps et d'être le moins souvent dans cette ville de merde qu'est Orléans.



N'arrive-t-elle pas un peu tard cette signature quand on voit combien la hype autour d'Epitaph est bien retombée ?

P: Il n'est jamais trop tard pour bien faire (rires).

N'avez vous pas de regrets ? Cette signature aurait très bien pu se faire depuis longtemps maintenant.

P: Non, aucun regret. Ca ne nous intéressait pas et ça ne nous intéresse toujours pas de vendre des millions d'albums.

Là n'est pas la question...

P: Tu veux dire profiter de la vague pour surfer un peu mieux. Nous avons regardé tout de la plage, ça nous a fait bien rire. On a vu des mecs qui surfaient vraiment bien et qui malheureusement, se faisaient écraser par des grosses vagues.

Belle métaphore ...

P: C'est le sujet de la chanson "Time to split". Ce morceau est le regard d'un chef de maison de disques sur son artiste. Il lui explique qu'il était sur la plage quand cet artiste surfait, il a gagné beaucoup d'argent et que le rébellion a bien payé. Malheureusement, la vague est tournéeet il ne peut plus faire grand-chose pour cet artiste et bonsoir. C'est ce qui arrive à beaucoup de groupes qui partent naïfs et qui finissent toujours par se faire berner. Quand ils sont en haut de l'échelle, la prochaine marche est pour redescendre. Quand pour eux, le téléphone sonnait vingt fois par jour, c'est silence total sur la ligne maintenant. Et ces gens-là se retrouvent sans rien ni personne. Je veux juste éviter cela aux Burning Heads. Pour plein de gens, quand on parle de toi dans la presse comme RockSound, ils pensent que tu es arrivé. Il y a des gens, après la sortie du premier album, qui sont venus nous voir en nous disant: "C'est bon les gars, vous n'avez plus à vous en faire. Votre carrière est assurée." Ces mecs-là sont tombés des nues, quand deux ans plus tard, le label n'existait plus et qu'il fallait repartir de zéro.



SI ON VA CHEZ EPITAPH,
C'EST TOUT BONNEMENT PARCE QU'ILS NOUS PROPOSENT
UNE BONNE DISTRIBUTION A L'ETRANGER
DANS VINGT-CINQ PAYS.


Vous n'êtes, pour l'instant, signés que sur Epitaph Europe, les States donneront-ils suite ?

P: Une fois que le disque sera sorti en Europe, deux mois plus tard, le directeur d'Epitaph Europe proposera le disque aux Etats-Unis à Epitaph qui ne sera pas obligé d'accepter. Si ce n'est pas le cas, ce directeur européen continuera à chercher un distributeur américain, au Canada, etc...

Aurez vous autant de marche de manoeuvre ? Pourrez vous toujours sortir des singles à droite à gauche comme bon vous semble ?

P: Oui et c'est une des raisons pour lesquelles on se sent bien avec Epitaph. D'autres groupes l'ont dit bien avant. On a l'impression qu'ils parlent le même langage que nous. Par exemple, on vient d'enregistrer une reprise de Minor Threat pour un tribute à paraître en France prochainement. Pour Epitaph, ça ne pose aucun problème à partir du moment où on les tient au courant.

Vous sentez-vous un groupe français ou européen ?

Jean Bernard (bassiste): Si on ne chante pas en français, c'est qu'on ne se sent pas que Français. Mais, lorsqu'on tourne dans des contrées loin de l'Europe, et quand on nous le demande, on se proclame volontiers Français, même si l'on en a un peu honte.


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