![]() ![]() A la première écoute de "Burning Heads", un ami m'a lancé : "Encore un groupe de punks californiens ?..." . Pourtant, ces têtes ardentes sont bien franco-françaises. Orléanaises, plus précisément. Vous savez bien, Orléans. C'est pas très loin de Paris, mais c'est déjà la cambrousse. Que vous dites !!! A Orléans comme ailleurs, en France, le rock se bouscule au portillon. Et qu'importe, s'il n'existe pas assez de structures pour qu'il puisse s'exprimer. La moindre ruine, la moindre tôle ondulée feront l'affaire. C'est ainsi que se résume la culture du rock dans l'Orléanais. Loin du comté d'Orange County, les quatre têtes ardentes délivrent un punk-rock énergique et divers, qui fera pâlir les Yankees.
A quoi ressemble la scène orléanaise ? Thomas : Elle est riche... il y a tous les styles, tous les genres représentés; que ça soit la chanson française variée ou reggae roots, en passant par les DJ's ou les programmateurs techno, jusqu'au hardcore intégriste. Il y a vraiment de tout. Quelles sont les autres formations majeures issues de cette scène ? Th : Dans un tout autre style, tu as les Sherpas... ils ont signé un deal intéressant avec une bonne maison de disques. Eux sont plutôt dans le genre chanson française, avec bidouillage électronique et groove actuel. Ils sont sur une bonne voie. Sinon tu as les Cry Babies (ils n'existent plus), qui étaient chez Sony, qui ont sorti trois albums. Pierre : Il y a plein de groupes qui se forment puis qui disparaissent assez vite. Il y a souvent des concerts, jamais très officiels, qui se déroulent dans des chapelles désaffectées, dans des squats ou des endroits qui doivent être démolis, dans les caves. Th : Nous, nous avons eu la chance d'aller à droite à gauche, de nous faire connaître. Mais, sur Orléans, ce sont plutôt des petits trucs qui se font comme ça, dans l'urgence. Qu'est-ce qui vous motive ? Th : La seule ambition que nous avons, c'est de nous faire plaisir. Jouer la musique qui nous plaît, écouter et la faire écouter. Vous avez tourné avec les Américains de Down By Law... Ca change quoi ? Th : Oui, c'est loin les Etats-Unis; les Américains ont une façon de voir et de vivre complètement différente. Donc, obligatoirement, même si tu es très ouvert, il reste un sentiment de différence : eux pensaient comme des Américains, nous, on pensait comme des Européens. Ca donnait des discussions intéressantes, où on était pas toujours tout à fait d'accord, mais il y avait un dialogue, un échange. P : Il y a aussi le fait qu'ils ont traversé l'Atlantique pour tourner en Europe; or les Etats-Unis, ça fait quinze fois la France. Quand ils font une tournée américaine, ils couvrent à peu près la même surface, tandis qu'en arrivant en Europe, chaque fois qu'ils font cinq cents kilomètres, ils changent de pays; donc ça change de monnaie, de langue. Ils étaient un peu plus perdu que nous. Th : Au départ, ils étaient un peu craintifs. Mais, en discutant, on a parlé de cette petite angoisse qui nous prend tous. Ca nous a aussi permit d'en apprendre sur les Etats-Unis, de bonnes choses et de moins bonnes. Est-ce qu'ils se font une idée assez précise de la scène française ? P : Non, ils s'en foutent un peu à vrai dire. Côté punk-rock, ils sont vachement tournés vers l'Angleterre de la fin des années soixante-dix. Les Jams, les Sex Pistols, les Clash. Th : Sinon, ils ne s'intéressent pas à la scène française, tout simplement parce que c'est pas un pays rock'n roll. Après tout, qu'est-ce qu'il y a en France ? P : Du vin, du fromage... Th : Des boeufs qui tirent encore des charrues... C'est un tableau pittoresque et cynique à la fois ? Th : C'est parce qu'on n'est pas vraiment ouvert. Heureusement, on est tombé sur des types qui eux-mêmes étaient ouverts, qui manifestaient une certaine curiosité, qui faisaient l'effort de parler en français de temps à autre. En tout cas, pas des types qui arrivaient en conquérants. P : En arrivant à la douane, ils se sont demandés si on était pas en guerre. A cause des flics et des militaires, partout. Th : Ils nous ont aussi permis de faire une tournée européenne et de prendre conscience que, dans d'autres pays européens, ils font vraiment des choses bien. Grâce à Down By Law, nous avons fait dix pays différents plus la France. Avec plusieurs dates à chaque fois. Cinq en Angleterre, une en Ecosse, deux en Suède, une en Norvège... P : Si on avait trouvé une tournée pour nous seuls, on aurait dû faire le circuit des bars, des trucs comme ça. Alors que là, on avait directement accès à des clubs, avec un public plus important et une sono en place. Ce sont des endroitsoù ça tourne franchement bien. Ca vous a conforté dans votre piètre opinion de la France ? Th : On a entendu que la France était un pur pays de merde, où il y avait une bonne partie de connards. J'ai l'impression qu'ailleurs ils ont plus le sens du respect et de la tolérance que nous. Quand tu reviens en France, tu te dis que c'est l'époque des cavernes ! Pourtant, au Danemark, deux bandes de fans rivales se sont descendues à coups de mitraillettes, récemment... Th : Je reconnais qu'il y a des pays assez chiants. Certains où on attend gentiment la fin de la semaine pour faire la fête, très discipliné. Par contre, en Belgique, en Hollande, en Suisse et en Allemagne, il y a des gens qui s'en sortent mieux que nous, qui savent pour quoi ils sont là et ce qu'ils vont faire de leur vie. Pour certains Européens, c'est flagrant et c'est dû, je crois, à l'eesprit de tolérance. En Hollande, par exemple, tu peux t'installer très facilement, ouvrir une boutique et payer cinq-cents francs de loyer par mois... C'est le projet de votre existence ? Th : Non, je me vois plutôt vivre la fin de ma vie à la campagne. Cultivateur ou propriétaire terrien. Genre Michel Sardou ? P : Genre vieux schnok entrain de râler sur tout (en se gaussant). Th : Absolument pas ! Monter, par exemple, une petite entreprise qui bosserait sur les produits du terroir. Sinon, quitter la France, peut-être. Vous avez collaboré avec des producteurs étrangers de renom. Comment est-ce que vous avez pu attirer l'attention de ces pontes ? P : Le premier album, ça a été un tour de magie. Notre manager est parti les mains dans les poches, trouver un mec pour réaliser motre disque. Il est tombé sur Donald Cameron à qui il a laissé une cassette. Un mois après, il nous a rappelé pour nous dire qu'il acceptait. Quant au deuxième album, c'est Stephane Girard qui a essayé de contacter Jack Endino, pour nous faire passer. C'était plus officiel, tandis qu'avec Donald Cameron, ça s'était fait plus naturellement, mais dans l'urgence. Au départ, quand on a voulu enregistrer notre premier album, on a proposé à notre pote ingénieur du son de le faire. Il est avec nous quasiment depuis le début. Il nous a répondu qu'il était encore trop jeune dans le métier; au second, on lui a fait la même proposition, il a encore refusé. Ensuite, il a produit les Portobello Bones, les Sleepers; il a enregistré avec Near Death Experience et Fred Norguet, puisqu'il est bassiste. Après ça, ils ont été d'accord tous les deux, pour bosser avec nous. Ca faisait quatre Burning et deux potes ou plutôt six Burning. Ca vous intéresserait une tournée américaine avec Down By Law, par exemple ? ... Th : Non, pas du tout. Les Américains n'ont pas besoin de nous, ils ont plein de groupes bien meilleurs que nous. Qu'est-ce qui pourrait leur plaire, si ce n'est notre petit côté French Style ou notre accent, pour les faire rire ? Par contre, on est tous partant pour une tournée européenne. On en garde vraiment de bons souvenirs... Et les mauvais... P : C'était la seule fois où on ne faisait pas la première partie des Down By Law et, on attendait un gros cachet. Manque de bol, on a croisé le groupe au bord de la route : leur van était H.S. On les a dépannés mais on a raté notre concert dans le même temps. Tout ça parce qu'aux Etats-Unis, ils ont des leviers de vitesse automatiques. En l'occurence, là, ils ne savaient pas se servir d'un embrayage ! Mais ça a été une aventure marrante, avec le recul. En fait, on a bien tenu la tournée, physiquement, malgré quelques craintes au départ. Ca nous a permis de sortir des tracasseries du quotidien... A propos de quotidien, vous avez écrit une chanson qui s'intitule "Beauf"... Est-ce qu'on ne l'est pas tous un peu ? Th : Non, mais le système est basé sur l'argent. Et ça impose un tracé trop droit : rentrer dans le moule, être productif et faire son petit bout de chemin. Réussir pour en jeter ou en jeter pour réussir, c'est du pareil au même. Certains prennent conscience de cette réalité et essaient d'y échapper, intelligemment. Mais la plupart ne sont préoccupés que par l'ordinaire d'une petite réussite. L'important, c'est de faire le maximum pour trnsformer l'existence en suites de plaisir. |
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